Notre invité, Olivier de Baillenx

Datacenters : au cœur des enjeux de souveraineté et de sobriété énergétique

Avec l’explosion du volume des données numériques, le marché des datacenters est en pleine expansion. Entre intérêt stratégique et craintes pour la souveraineté ou l’environnement, ils sont aussi au cœur de l’attention. Olivier de Baillenx, créateur de la collection « Histoires numériques », publiée aux éditions Cent Mille Milliards, fait le point. 

Quelle part représentent aujourd’hui les datacenters en France ? 

En 2021, ils étaient au nombre de 247, plaçant la France au 8e rang mondial, loin derrière les États-Unis. Ces derniers concentrent à eux seuls un tiers des centres de données mondiaux, avec 2 700 sites. Derrière eux, viennent l’Allemagne (466), le Royaume-Uni (449) et la Chine (415). Mais le marché est en expansion rapide et de nombreux projets sortent de terre dans l’Hexagone. Le site le plus important émerge ainsi à La Courneuve, en Seine-Saint-Denis, sur une friche de 7 hectares. Il est piloté par le néerlandais Interxion, filiale de l'américain Digital Realty. Un autre projet, plus controversé, voit le jour à Brétigny, en Essonne, sur l’ancienne base aérienne 217 : il s’agit d’un centre de données d’Amazon, qui possède déjà des entrepôts sur le territoire.

Mais la province n’est pas en reste. Marseille, 7e hub Internet mondial, se démarque grâce à sa position géographique, au carrefour de câbles sous-marins reliant l’Afrique, l’Orient et l’Europe. Au sein de l’enceinte portuaire, la plate-forme Disney + diffuse ainsi ses vidéos en streaming depuis un bunker en béton armé, reconverti en datacenter. Et, en juin dernier, 2 centres de données « nouvelle génération » ont été ouverts par Orange en Normandie, pour stocker les données des clients de l’opérateur.

Cet essor des datacenters, dans un contexte dominé par les GAFAM, met-elle en péril notre souveraineté numérique ?

Les centres de données les plus importants sont, il est vrai, ceux de Google, Microsoft ou encore Amazon, qu’il est difficile de contrôler. D’autant qu’ils sont soumis à la législation américaine et que le Cloud Act peut nourrir des craintes. C’est pourquoi certains acteurs publics sont à l’initiative de datacenters « souverains ». C’est le cas, par exemple, du DPC, Datacenter Public Communautaire de Lognes (Île-de-France), né en 2020, et dont la gouvernance est à 100 % publique. Il accueille aujourd’hui, entre autres, le Département du Val d’Oise, l’ARS Île-de-France, ou encore l’Inserm. Ce genre d’initiatives pourraient se multiplier, à l’avenir, s’inspirant du modèle des Réseaux d’Initiatives Publiques, qui ont déployé la fibre au sein de nos territoires.

Les data centers sont également pointés du doigt pour leur impact sur l’environnement, quelle est votre opinion sur ce sujet ? 

L’actualité récente a en effet réactivé certaines craintes à ce sujet, avec la polémique autour de la consommation d’eau par un datacenter de Microsoft au Nord d’Amsterdam, qui s’est avérée 4 fois supérieure à la limite haute que l’entreprise avait évaluée. Si l’on regarde les chiffres toutefois, en 2020, le numérique représentait 3,6 % de la consommation énergétique mondiale et 1,4 % des émissions de gaz à effet de serre, dont 25 % qui émanaient des datacenters. Pour l’heure, ces derniers sont donc loin d’être les 1ers responsables du réchauffement climatique. Mais avec la croissance exponentielle des données, leur impact ne peut que s’amplifier. 

Dans ce contexte, des initiatives émergent, en faveur d’une plus grande sobriété énergétique. Le site conçu par Orange en Normandie en est l’illustration : il est capable de fonctionner plus de 10 mois par an sans recours à la climatisation, grâce à un système de « free-cooling », dispositif de refroidissement naturel utilisant l’air extérieur. 

Une tendance qui ne fait que débuter, relayée également par des start-ups, qui ont pour ambition de déployer des centres de données bas carbone et de petite taille, pour les TPE-PME et les collectivités locales.

* https://fr.statista.com/infographie/24147/pays-avec-le-plus-de-data-centers-centres-de-donnees/

**Agence internationale de l’énergie, 2020.